mardi 3 février 2015

Sarah mène les témoins des témoins


Ce qui différencie les humains des autres espèces, c’est le langage, la parole.

La parole, c’est aussi ce que les nazis ont voulu retirer aux déportés pendant la seconde guerre mondiale, en les traitant comme des sous-hommes. Et  pourtant, la parole est la seule chose qui reste de cette partie de l’Histoire. Le reste des preuves est parti en fumée.  Il n’y a pas de tombe, pas de cimetière, pas de sépulture.

Ils ont voulu tout faire disparaître, ils ont voulu ne laisser aucune trace pour faire croire que cela n'avait pas existé.

Et pourtant c'est une vérité, pas une croyance. 

C'est une vérité : 6 millions de personnes ont été sauvagement assassinés pendant la seconde guerre mondiale dans les camps de la mort.
« Sauvagement assassinés », ce sont les mots d'Elie Buzyn, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald. Ce jeudi soir, alors qu'il s'adresse à l’assistance, il insiste sur ces mots : « ces gens n'ont pas disparus, ils ont été sauvagement assassinés ».

Élie est un rescapé de cette horreur indicible qu'il a décidé de partager avec nous. Pour que nous, « l'avenir de la France, et de l'Humanité », soyons « les témoins des témoins ». Pour que nous fassions entendre nos voix, que nous utilisions notre parole, pour porter la sienne haut et fort, quand il ne sera plus là.

Il nous raconte le ghetto de Lodz, son frère fusillé sous ses yeux, ses parents clandestins dans le ghetto, son arrivée à Auschwitz, ses parents sélectionnés et gazés, l’appel chaque jour, les déportés qui meurent de travail et d’usure, la marche de la mort, son passage à Buchenwald…
Il ne le fait pas par plaisir, il le fait par devoir. S’il se tait, « c’est comme si ces 6 millions de personnes mourraient une deuxième fois ».  Pendant des années, il n’a pas voulu y retourner, il n’a pas voulu fouler de nouveau ce sol  « imprégné de sang ». Il n’a pas voulu parler, puis il a compris qu’il fallait rendre compte. Il a compris que le silence est l’ennemi de la transmission. Les Hommes se doivent de parler, de dire, de raconter.

Nous sommes la dernière génération à pouvoir entendre les premiers témoins, nous avons une vraie responsabilité, un devoir de mémoire. Même le mot « devoir » ne parait pas assez fort tellement c’est une nécessité, pour que les mots « plus jamais ça », soient aussi une vérité, et non pas une croyance.

Nous le devons à ces victimes innocentes. Oui innocentes, car elles n’étaient coupables de rien, si ce n’est d’être qui elles étaient. Juifs, tziganes, homosexuels, leurs identités ont causé leurs morts.

Ce que je garderai d’Elie, c’est sa force et son regard. Quand il nous parle de sa vie après les camps, il le fait avec humour et avec une grande tendresse. Il nous raconte, comment il a eu la chance, par le concours de plusieurs circonstances heureuses, de faire des études. Mais surtout il nous raconte qu’il n’a pas baissé les bras, qui ne s’est pas « dégonflé », qu’il a persisté dans son travail. Il nous démontre que, revenu de l’enfer, il est resté debout et s’est battu pour vivre sa vie. 

Elie, je veux te promettre aujourd’hui, que je serai ton témoin et que je raconterai ton histoire, sans relâche, à autant de personnes qu’il me sera possible de le faire.



2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. J'espère être là pour témoigner que tu as tenu parole parce que je n'ai aucun doute sur cette promesse.

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