lundi 26 décembre 2016

Sarah mène son amour de la musique

Après une rencontre mi réelle mi Twitterienne, j'attendais Renaud Capuçon dans un café parisien pour l'interviewer. Quand il est arrivé, deux choses m'ont marquée: sa très agréable odeur et la bienveillance de son regard bleu océan. Notre échange a confirmé sa disponibilité et sa gentillesse, et m'a donné envie de me replonger dans la musique classique, madeleine de mon enfance... Je vous souhaite d'apprécier autant la lecture de cette interview que j'ai apprécié ce moment passé avec Renaud Capuçon.

Jouer du violon seul chez vous ou devant un public vous procure-t-il autant de plaisir ?
La vraie différence c’est que quand on est seul dans sa chambre, c’est pour travailler, il est rare que je joue chez moi pour le plaisir. C’est pas désagréable mais c’est pas la même chose que sur scène. Pas la même concentration, pas la même énergie. Quand je joue pour un public, je donne tout. Y’a pas le coté cérébrale, quand je travaille je réfléchis. Sur scène, je ne pense plus à rien. C’est pas le même état.



Qu'est-ce que vous retirez de l'expérience de l'enseignement ?
Il y a deux choses. D’abord il y a le bonheur de voir des jeunes se développer, de les voir devenir meilleurs, de les aider. En même temps, en enseignant, je retravaille une nouvelle fois ce que m’ont dit mes profs quand j’avais entre 10 et 20 ans. Comme si j’avais gardé ça dans mon cerveau. En le reformulant, je le retravaille pour moi. J’ai l’impression de réapprendre avec la maturité de mes 40 ans.

Avez-vous déjà pensé à composer ?
Composer c’est un autre talent, que je n’ai pas. Les gens qui ne sont pas dans la musique pensent que le fait de jouer veut dire que l’on peut composer. Évidemment, je peux écrire une mélodie et l’orchestrer, l’harmoniser, mais je ne saurais pas composer les œuvres que je joue.

À part de la musique classique, qu'écoutez-vous ? Sur quel support ?
J’écoute du jazz. Mais finalement j’écoute assez peu de choses. La musique est tellement présente tout le temps. J’écoute du jazz ou du classique pour travailler une œuvre ou me ré-imprégner des choses. Mais j’écoute peu de musique. Quand ça m’arrive à la maison, j’ai un super système qui s’appelle Devialet, c’est un des meilleurs systèmes au monde et c’est français. Sinon il m’arrive dans l’avion d’écouter de la musique sur mon iPad pour m’isoler du bruit autour. Mais le silence c’est bien aussi, la musique est tellement tout le temps avec moi, dans ma tête, que j’apprécie en vacances de ne pas écouter de musique.

Y a-t-il des jours de l'année où vous ne touchez pas à votre violon ?
Certains jours comme aujourd’hui ça m’arrive. En vacances j’arrête pendant 3 semaines. C’est pour le bonheur de retrouver l’instrument après. J’imagine que si on adore le chocolat et qu’on arrête pendant 3 semaines, quand on en re-goûte, ça doit être dément. C’est sain aussi pour l’instrument,  le bois respire. Mon violon date de 1737, il est très ancien, et très sollicité tout au long de l’année.

Que mettez-vous de vous dans votre musique ?
Tout. Je joue des compositions qui ne sont pas de moi, je suis fidèle à ce qui est écrit, mais c’est ma personnalité, c’est ma sonorité, c’est moi. Le son d’un violon est tellement reconnaissable, je crois que sur scène c’est là où je suis le plus moi-même, j’y suis absolument transparent. C’est ce qui me manque quand je n’y suis pas. Mais les pauses me permettent de me ressourcer pour être toujours au top sur scène.

Que vous a enseigné l'apprentissage de la musique ?
Ça apprend la rigueur, ça développe la mémoire, ça apprend à écouter les autres. Quand on joue avec d’autres musiciens, si on n’écoute pas, c’est une cacophonie épouvantable. Ça apprend aussi à écouter les autres quand on parle. C’est une école de vie, ça apprend énormément de choses. Le fait de jouer avec les autres apprend à aller vers eux. Si tous les enfants avaient une mini éducation musicale, ça serait extraordinaire.

Si vous deviez sensibiliser quelqu’un à la musique classique, comment vous y prendriez-vous ?
Au berceau. Ou si ce n’est pas possible, dès l’école maternelle. De façon ludique, sous forme de danse. Que la musique, et pas que classique, ait une place. La plupart des gens qui me disent « le classique c’est pas pour nous », c’est parce qu’il n’y ont pas été habitué. C’est comme si je disais « les jardins ce n’est pas pour moi », ça n’a aucun sens, la beauté c’est pour tout le monde. Et les prix ne sont plus une barrière, c’est beaucoup plus cher d’aller voir Patrick Bruel qu’un concert de musique classique. C’est les gens qui se font une idée de la musique classique comme étant élitiste.

C’est pour ça que la musique classique n'est pas populaire ?
C’est aussi de notre faute les interprètes, parce qu’on en fait une chose un peu à part. Donc les gens s’excluent eux même. Ils croient qu’il faut s’habiller de façon particulière, alors qu’aujourd’hui il n’y a pas de codes, il y a un nouveau public. Je trouve ça génial qu’on rajeunisse le public et qu’il applaudisse entre les mouvements, c’est spontané et ça montre leur enthousiasme.

J'ai remarqué que ces dernières années, les orchestres classiques se sont beaucoup féminisés, savez vous pourquoi?
Certaines femmes ont ouvert des portes. Par exemple, à l’époque de Karajan au philharmonique de Berlin, à la fin des années 80, il y avait eu un scandale car une clarinettiste femme, Sabine Meyer avait été nommée . L'orchestre était tellement sexiste qu'elle a du demissionner. Aujourd'hui, il y a 30 femmes dans l'orchestre de Berlin, ça a complétement changé. Il y a encore 5 ans il n'y avait pas une femme dans l'orchestre philharmonique de Vienne, maintenant il y en a plusieurs. Quand les plus grands orchestres comme Berlin et Vienne ont commencé à faire ça, ça a changé un peu partout.

Pensez-vous cependant qu'il y ait un plafond de verre pour les femmes dans la musique classique ?
Non, je ne crois pas. A part le chef d'orchestre qui reste par tradition, souvent, un homme. Dans les orchestres , ça a changé ces 20 dernières années et aujourd'hui dans les orchestres français il y a souvent plus de femmes que d'hommes. Pour les solistes, il y a autant de femmes que d'hommes, c'est complétement mixte.

Si vous n'aviez pas fait ça, quel autre métier auriez-vous pu exercer ?
J'aurais eu envie de faire Science Po ou de faire des études littéraires, quelque chose dans l'artistique ou le littéraire, je n'aurais pas été sportif par exemple.

Que faites-vous de votre temps libre, si vous en avez ?
Quand je ne travaille pas mon violon, je travaille la programmation des mes deux festivals. Autrement je suis en famille et je fais des choses simple, je me promène, j'adore faire du ski, je joue un peu au tennis, je cours, je vois des amis. Rien extraordinaire, j'ai la vie d'un mec de 40 ans normal.



Comment vous définiriez-vous, en 3 mots ?
"Volonté", "fidélité", à mon agent, ma maison de disque, mes partenaires de musique, et "positif", je suis quelqu'un de positif.

Votre expression préférée ?
Je n'ai pas vraiment d'expression préférée mais plutôt un mot que j'utilise beaucoup pour décrire les choses, surtout musicalement, je dis qu'elles sont "organiques".

Un endroit qui vous inspire?
Les lacs et la montagne, ça correspond aussi à la région où je suis né (ndlr : Chambéry)

Un homme ou une femme que vous admirez ?
Jacques Chancel, il était mon voisin et on se voyait toutes les semaines les 5 dernières années de sa vie. On refaisait le monde pendant des heures, comme des gamins. Il avait 83 ans, on avait 40 ans d'écart et c'était mon meilleur ami. Je l'ai vraiment admiré profondément et j'ai regretté de ne pas l'avoir connu plus longtemps. 

Quel usage faites-vous de Twitter ?
Je suis beaucoup de journalistes donc ça me sert de fil d'actualité. Quand j'ouvre Twitter, je suis connecté à ce qui se passe dans le monde. J'aime aussi l'instantanéité de Twitter, c'est d'ailleurs le réseau social qui me plait le plus et qui me correspond bien parce que j'ai peu de temps. Sur Instagram, je poste des photos d'endroits que je trouve beaux, comme des salles de concert, et sur Facebook, plutôt mon actualité professionnelle.



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