A défaut de vous écrire plus, où plutôt d'écrire plus sur mon blog, parce que je sais plus si vous êtes toujours là... je réouvre mon blog à mon monde... Comme je l'ai déjà fait Avec Soso ou avec Noa.
Aujourd'hui, c'est au tour de Déborah, nouvellement débarquée dans ma vie; et à qui je risque fort de proposer de jeter l'encre (je fais de belles phrases car la demoiselle est bien plus douée que moi, donc je voudrais pas que ça fasse désordre avec le reste du post).
Déborah, future bloggeuse (je vous tiendrais au courant bien sûr), risque fort de vous laisser sans voix par le choix, la dextérité et l'acidité de ces mots. Attention..... talent !!!
La parole est-elle un simple outil de
communication ou la preuve fondamentale de l'existence individuelle ?
Énoncé de faux sujet philosophique pour une
vrai question quotidienne, pourquoi les gens adorent-ils raconter leurs vies,
et s'écouter le faire, avec une grande propension aux mini drames.
Les gens, les autres évidemment, jamais soi.
Que ce soit clair dès le début, nous, on ne raconte jamais notre vie aux
inconnus. On ne leur adresse même pas la parole, on subit leurs invasions
inopportunes dans notre méditation dans le bus, le métro, au supermarché ou
dans la rue. On répond poliment, on limite la conversation au strict minimum
nécessaire, on prend éventuellement le temps de fouiller notre stock de
neurones pour formuler une solution à leur problème et de rien, bonne
journée.
Mais ces autres débarquent dans notre silence
pour le polluer avec leurs histoires.
Seraient-elles drôles que nous pourrions les
apprécier. Sauf qu'elles le sont rarement. Madame se lamente parce que son
chien a fait ceci, ou ses jambes ne font plus cela, Monsieur vous décrit certaines difficultés qui se multiplient. Ce
qui apparaît comme anodin, circonstancié ou original de part et d'autre de
l'île Saint Louis devient la norme à quatre mille km de l'île, dans ma cité
balnéaire.
L'épiphénomène m'avait déjà intriguée depuis
plusieurs mois, mais aujourd'hui il a atteint son paroxysme quand un voyageur,
demandant son arrêt de bus au conducteur, lui a raconté dans la foulée ses deux
divorces. A priori, grand bien lui en fasse tant que je ne suis pas le
réceptacle direct de ses expériences. Sauf que mon chauffeur (que je plains
naturellement et admire pour son calme, son habitude ou sa résignation) en a
ralenti son rythme effréné, manquant un feu vert et rajoutant une minute de
trop à mon retard.
La célérité du bus ayant lui aussi pâti des
deux divorces de notre quinquagénaire, il n'en fallait pas plus pour
m'exaspérer. Passablement. Aucun des autres voyageurs, qui profitaient aussi de
l'énumération de tant d'échecs (peut-être que ses épouses avaient mis fin à une
relation où leur babillage était importuné par celui trop envahissant du
conjoint), ne semblait étonné du déballage personnel.
Evidemment que le chauffeur avait la réponse.
Il doit entendre tellement d'histoires qu'il passe probablement en parallèle un
diplôme de psychanalyse.
La vitesse de croisière retrouvée après le
départ bienvenu de notre conteur, j'ai énuméré mentalement le nombre de fois où
un voisin de chaise m'avait abreuvée de détails personnels. Trop. Fin des
comptes.
Suis-je encore une parisienne grincheuse, ou
une nostalgique du respect d'un silence courtois dans le bus ? Ai-je le
droit de ne pas vouloir raconter pourquoi je fais la queue à la Poste sans
expliquer que je veux payer ma facture d'eau et que je ne sais pas (encore) le
faire par internet (et je vais m'y mettre bientôt), et surtout ai-je le droit
de ne pas vouloir écouter les problèmes de ma voisine de 68 ans sans devoir
prétexter que je ne parle pas la langue locale alors que je la comprends
suffisamment pour deviner la longueur d'une conversation à venir ?
Sans paraître associable, peut-on écourter un
monologue par un simple sourire ? Un hochement de tête et quelques
syllabes tout au pire.
Evidemment qu'on peut. Mais est-ce réellement
satisfaisant. Une personne parle par besoin d'être écoutée. Et puis, il y a une
petite joie intérieure à discuter quelques minutes avec une mamie assise dans
un bus. Qui sait combien de personnes elle pourra croiser dans sa journée, avec
combien elle échangera quelques mots quand nous, ces presque jeunes, sommes
connectés jour et nuit pour « échanger ».
Sans devenir une professionnelle de la
discussion de hasard, on peut faire cet effort gratuit d'en devenir un amateur
à temps partiel.
Et en première place du podium des oreilles
bienveillantes, je place sans conteste les chauffeurs de bus, devant même les
chauffeurs de taxi (qui, eux, sollicitent ces détails croustillants, ces
débâcles intimes).
En seconde place, les médecins, qui pourront
toujours utiliser les renseignements pour leur diagnostic ou les couper net
pour cause de retard accumulé.
En troisième, les autres doués d'une empathie
certaine, d'un quart d'heure de libre ou d'une bonne humeur temporaire, prêts à
les consacrer aux malheurs de Madame leur voisine temporaire. Les autres, mais
pas moi. Pas encore assez souvent.
Et pourtant, ces autres qui se racontent leurs
histoires, j'en fais partie, quoi que j'en dise. J'ai moi aussi renchéri à une
inconnue sur mes mini drames pour l'aider à partager les siens ; je me
suis confessée à des chauffeurs de taxi excentriques le temps d'une course de
huit minutes ; je me suis épanchée sur l'épaule d'inconnus d'un soir dans
un bar, racontant quelques vérités parmi les traits plus énigmatiques de mon
personnage, au détour de verres de vin. Ok, je n'ai pas encore essayé les
chauffeurs de bus. Ça viendra peut-être.
Et parce que cette parole est une impression d'existence
à défaut d'en être la condition sine qua non.
Faire des Confessions intimes dans un lieu ou espace public c'est paradoxal. Des fois j'ai l'impression que les pipelettes ( homme et femme) me parlent de manière indirect alors qu'ils s'adressent à leur interlocuteur. Paranoïa tu crois ? Une fois je prenais le train quand un groupe de jeunes maghrébines s'assoient à côté de moi. Elles commencent à parler de l'une d'entre elles qui sort avec un karlouch. Depuis cet épisode je sais que Marine Le Pen est une enfant de coeur à côté de certains. Et je ne sors plus sans mon casque. Fin c'est mieux que la vie des gens.
RépondreSupprimerFIP je voulais dire
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